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Première nouvelle

23/12/2015 21:27

 

Le petit carnet de Louise

 

Ennui, ennui, ennui. Voila les trois mots qui résument mes journées chez mes grands-parents. Depuis que je suis arrivée dans le Vaucluse pour les vacances de février, mes après-midi se résument à fouiller le grenier pour trouver des affaires qui ont du style, qui me ferait vivre une aventure, comme dans les livre fantastiques, quoi ! Mais pour l’instant, je n’ai récupéré qu’un vieux métier à tisser tout cassé et une machine à écrire qui ne marche plus. Mes parents ont osé me laisser seule ici, destinée à aider papi au potager et faire la cuisine avec mamie. « Ca va te faire revenir sur terre, t’aider à te rendre compte que la vie n’est pas que rêver! » me disaient-ils. Oui, ça va surtout les aider à rester tranquille pendant deux semaines! Moi, ce que j’aime, c’est rêver, plonger dans des histoires fantastiques et incroyables qui m’aident à m’échapper du quotidien si ennuyeux. Voilà pourquoi j’aime chercher dans ce grenier tout poussiéreux. Parce que je suis persuadée qu’une histoire passionnante est enfouie sous ces antiquités.

« Anaëlle ! Descends, on mange ! »

Je soupire bruyamment. Ma grand-mère vient ENCORE une fois d’interrompre mes pensées. Je descends à toute vitesse, non pas par respect pour ma grand-mère, mais pour la délicieuse odeur de ratatouille qui sort de la cuisine. Je m’affale sur ma chaise, et ma mamie me fusille du regard.

« Quoi ? je lui demande, plus insolente que je ne le voudrais.

- On ne s’affale pas comme ça sur une chaise ! Tu as 13 ans, Anaëlle ! Tu n’es plus un bébé! »

Et gnagnagna, et gnagnagna… Il faut toujours qu’elle radote ! Je finis rapidement mon assiette et remonte dans le grenier.

 

Ca fait déjà trois heures que je cherche…En vain. Toujours rien ! Je commence à me sentir fatiguée. Je m’allonge lourdement sur un vieil oreiller, mais je sens quelque chose de dur dans la taie. Je le découds minutieusement, et en retire un vieux carnet. J’observe la couverture, et là, je n’ose même plus respirer. Elle est rouge sang en véritable cuir, et des arabesques dorées s’enroulent joliment par-dessus. J’ouvre le livre à la première page, mais, rien n’y est écrit. Déçue, je feuillette le carnet, mais les pages restent vierges ! Soudain, une idée me traverse l’esprit. Et si je l’utilisais comme un journal intime ? Je suis toute excitée ! Je ramasse une plume et un encrier trouvé récemment (comme quoi ça sert, les greniers !), m’adosse sur un muret, trempe la plume dans l’encre.

Soudain, mon grand-père m’appelle pour que je l’aide au potager. Oh non ! A contrecœur, je pose le carnet sur le parquet et descends dans le jardin en courant.

 

Ca doit faire trois jours que je travaille dur avec mes grands-parents. Tandis que l’une m’oblige à faire une ratatouille correcte, l’autre me force à arroser des carottes dehors sous une pluie battante. Je suis épuisée ! Heureusement, mamie m’a accordé une journée de repos. En prenant mon petit déjeuner, j’écoute d’une oreille distraite la radio.

« Pour la semaine qui suit, nous annonçons dans le Sud de la France des neiges fortes avec des températures en dessous de zéro. Attention à ne pas sortir trop longtemps dehors ou à faire des activités extérieures. Tout de suite, l’édition du matin… »

« Allons bon, ronchonna mon grand-père. Et mes poireaux, alors? »

En silence, je range mon bol dans le lave-vaisselle et monte les marches de l’escalier quatre à quatre vers le grenier. Voyant le carnet éclairé par la lumière du matin posé par terre, je souris. Enfin quelque chose d’intéressant chez mes grands-parents !

J’attrape un vieux coussin et j’ouvre le carnet.

Je cligne plusieurs fois des yeux, mais ce que je vois là n’est pas une illusion. Il y a bien sur le carnet des pages et des pages noircies par l’encre noire ! Je ne comprends rien. En trois jours, quelqu’un aurait réussi à remplir le trois quart d’un livre vide ? Ca commence à devenir étrange! Mais bon, la curiosité prend le dessus. Je commence à lire, captivée :

« Bonjour mon nouveau journal ! Je m’appelle Louise Delafleur et j’ai quatorze ans depuis quelques heures. Tu m’as été offert par mon père et il faut dire que c’est le plus beau jour de ma vie. Un carnet ! Un confident ! Je ne peux plus m’arrêter de sourire. Faut-il, dans un carnet,  raconter ses  peines, ses mœurs, ses amours ou bien ses histoires ? J’ai tellement de questions que ma tête va exploser ! Il faut dire que je suis la seule du village à avoir un carnet ! Ma grande sœur, Joséphine, n’a pas eu la même chance que moi. Maman lui a interdit toute chose qui n’est pas travail. Encore aujourd’hui, à seize ans à peine, elle travaille plus de douze heures par jour. Enfin bon, Joséphine vient justement de m’appeler, et je ne dois pas avoir une minute de retard ! »

 

Je referme le carnet, un peu déçue. Pour une fois, je pensais avoir déniché quelque chose d’intéressant ! Mais c’est juste un pauvre journal d’une fille de quatorze ans, probablement une de mes ancêtres. Soudain, ma grand-mère m’appelle. Il ne manquait plus que ça ! Je souffle bruyamment et descends d’un pas lourd. Cette journée risque d’être longue.

 

Pfiou ! Je soupire et retire une poussière de mes cheveux. J’ai passé l’après-midi à fouiller dans le grenier et franchement, rien d’exceptionnel. Des bibelots couverts de saletés, des robes déchirées, … Tout à-coup, je repense au carnet et à sa mystérieuse apparition d’écriture. Il faut que je continue de lire ce livre ! C’est bizarre que je n’y aie pas réfléchi plus tôt. De toutes façons, il y a forcément un mystère caché derrière cette histoire…

 

Ce soir, à table, personne ne parle, ce qui est un peu gênant. Après de longues réflexions, je lâche d’un coup :

« Est-ce que vous sauriez par hasard qui est Louise Delafleur ? »

Ma grand-mère me regarde avec des yeux ronds et me dit :

« Euh, non, Pourquoi ? »

Je ne réponds pas et finis ma soupe d’un trait, avant de monter dans ma chambre. Génial, il va falloir que je réfléchisse toute seule. J’attrape le carnet qui était sur ma table de nuit et recommence à lire :

« Ce n’est pas possible ! Mère vient encore de me crier dessus ! Elle m’a reproché de ne pas être assez active. Mais ce qu’elle ne comprend pas, c’est que j’ai besoin de liberté ! Ce qu’il me faudrait, ce serait un coin secret, juste pour moi. Un endroit que ma mère ne trouvera jamais… Mais il ne faut pas trop rêver. Soudain, comme un signe du destin, j’aperçois au fond de l’allée de la maison quelques arbres rassemblés entre eux comme un petit bois. J’attrape mon manteau en laine et je sors dehors pour explorer les environs. »

 

 Soudain, j’entends ma grand-mère m’appeler du salon. Oh non ! En soufflant, je descends et vois ma mamie qui tient un journal ancien dans les mains.

« Coucou Anaëlle !  J’ai repensé à ta question de hier soir, et j’ai trouvé quelque chose qui pourrait te plaire. »

Je prends le journal et lis le gros titre : « Un incendie tragique à la maison des Delafleur »

Mon cœur s’arrête de battre durant une seconde. Un incendie ? Delafleur ? Ca peut être une erreur, ou peut être même que ça ne la concerne même pas mais malgré tout, je crois avoir mis la main sur quelque chose… Et hors de question que je ne fasse pas une enquête là-dessus !

 

Cette nuit, je ne réussis pas à dormir. Vers minuit, je décide de continuer ma lecture. J’ouvre le livre et en feuilletant les pages, découvre que le carnet n’est pas entièrement rempli. Pourquoi Louise se serait-elle arrêtée d’écrire, dans le soi-disant plus beau cadeau qu’elle n’ait jamais reçu? Perplexe, j’ouvre le carnet à la page où je m’étais arrêtée.

 

«  Cette nuit, je décide de partir dans le petit bois. Malgré la peur d’y aller seule dans le noir, je prends sur moi et m’avance dans l’allée d’un pas décidé vers les arbres. Quand j’arrive devant les arbres, j’appréhende. Et si il y avait des chauves-souris ? Soudain, j’aperçois un petit passage dans les feuilles. En tremblant, je rentre dans l’obscurité, et débouche sur un coin inconnu.

A part l’obscurité, l’endroit est vraiment magnifique. Les arbres, regroupés en cercle, forme une sorte de petite pièce. Des fleurs améthystes couvrent le sol. Une souche d’arbre est posée au centre et plusieurs branches montent vers le haut, comme un escalier. Ni une, ni deux je me mets à monter. Quand j’arrive au bout, j’hallucine. Je suis en haut des arbres ! J’observe les alentours, et découvre une vue magnifique : non loin de là, on aperçoit le centre du village, désert à cette heure-là. Plus loin, on voit le lac. C’est juste magnifique !

 

Je commence à paniquer. Petit bois, synonyme d’incendie ! Incendie synonyme d’aventure ! Suis-je en train  d’en vivre une ? Si Louise voulait revenir dans le bois, elle y emporterait de la lumière ! Est-ce un hasard que je sois tombée sur ce petit carnet ?  Je referme le carnet et le jette sur le parquet. Je finis par m’endormir vers quatre heures du matin, épuisée.

 

Le lendemain, je décide de visiter le petit bois. Je réussis à trouver une petite entrée, et découvre le désastre : les feuilles brulées par l’incendie s’emmagasinent par terre, plusieurs troncs d’arbres sont tombés, et des ronces ont poussé tout autour des branches. Malgré tout, je monte ces dernières et m’écorche les mains à cause des épines. Soudain, mon pied craque sur quelque chose. Je baisse la tête et découvre un collier d’argent orné d’une perle couleur nacre. Je le prends délicatement et fronce les sourcils. Il n’a aucune trace de brûlure. C’est bizarre. Je le range dans la poche arrière de mon pantalon et continue la montée. Quand j’arrive en haut, je suis époustouflée: c’est juste magnifique ! Comment aurais-je pu penser que le Vaucluse était aussi beau? On aperçoit les champs de blé au loin et les rangées de vignes, un lac et le centre du village. Je redescends de l’arbre et regarde le collier. Il est vraiment joli ! Soudain, j’aperçois une écriture gravée au dos de la perle. : « De Mathieu »

Qui est Mathieu ? Je monte dans ma chambre et reprends le carnet pour éclaircir ce mystère :

 

« Cet après-midi, j’ai prévu de rejoindre Mathieu. Mathieu, c’est mon meilleur ami depuis qu’on a quatre ans ! J’ai prévu ma tenue préférée. En le rejoignant, j’ai remarqué qu’il avait un petit sourire. J’ai éclaté de rire et lui ai dit : toi, tu me caches quelque chose ! Il a rigolé à son tour et m’a tendu un petit paquet emballé dans du papier kraft. Je l’ai ouvert doucement, les yeux écarquillés, et j’ai découvert un magnifique collier. J’ai crié un « merci ! », heureuse comme tout. Soudain, la situation a dérapé. Ma mère a ouvert la porte, colérique. Elle a hurlé : « LOUISE ! Hors de question que tu traînes avec ce garçon ! Rentre dans ta chambre immédiatement. Tu es punie jusqu'à demain ! ». Sans rien dire, je suis montée dans ma chambre et j’ai fulminé. Ce soir, j’irai dans mon coin, mais cette fois, avec de la lumière ! »

 

Je décide de finir le journal dans le petit bois, et j’emmène un briquet avec moi pour la lumière. Je suis tellement absorbée dans le carnet que je ne réfléchis même pas aux conséquences. Je m’assois sur la souche et continue…

 

« Il doit être au moins minuit, et tout le monde dort dans la maison. Je prends une petite torche et l’enflamme avant de sortir dehors. L’air est frais, doux. Un air de liberté ! Je m’enfonce dans les feuilles et m’assoit sur la souche, éclairant mon carnet avec la faible lumière que j’ai apportée. Soudain, j’entends une chouette hululer, ce qui me fait sursauter. Je lâche la torche et sans avoir le temps de m’enfuir, les arbres prennent feu et m’enferment entre leurs branches enflammées, comme une cage. Je hurle « Papa ! » et essaye de m’enfuir, mais un tronc en feu tombe devant moi, me bloquant le passage. Une branche d’arbre enflammée elle aussi se prend dans ma manche, et, dans un cri de douleur, prends feu comme une torche humaine.»

 

Sur le carnet, j’aperçois une page un peu cramée. L’enquête est résolue, c’est bien Louise qui, à quatorze ans, est morte sous les flammes. Malgré ma tristesse pour cette ancêtre cependant si proche de moi, je me pose deux questions : comment Louise aurait-elle pu écrire la fin de son histoire si précisément ? Et surtout, pourquoi le carnet s’est-il retrouvé presque intacte dans le grenier ? Une odeur de fumée interrompt mes pensées : le briquet ! J’ai laissé tomber le briquet ! Les arbres s’enflamment, suivis ensuite des branches qui tombent dangereusement autour de moi. Je crie « A l’aide ! », mais personne ne m’entend. Même si je sais que c’est la pire chose à faire, je m’assieds par terre et attends que le feu m’emporte, comme Louise. Dans un murmure, je redis : « A l’aide » et laisse couler mes larmes. Soudain, une main m’attrape et me soulève. Je relève la tête et aperçois une fille que je ne connaissais pas. Elle doit avoir quatorze ans, et est tellement livide qu’on voit au travers de son corps. Sans que je sache comment, elle s’envole, moi dans les bras et quand nous sommes loin de l’incendie, elle forme avec ses lèvres « pas une deuxième » et me lâche. Je m’écroule par terre, et m’évanouis.

 

Lorsque je me réveille, je distincte faiblement ma grand-mère au-dessus de moi, l’air inquiet. Je murmure :

« Mamie ? C’est toi ? »

Elle me sourit et dit :

« Oh, tu es réveillée ! Hier soir, on t’a retrouvée évanouie par terre, et derrière, des arbres en feu ! Tu n’imagines pas la peur qu’on a eue ! Mais bon, tu es saine et sauve, c’est ce qui compte. »

Une seconde, elle paraît hésitante, puis elle lâche :

« Je pense ne pas avoir été très gentille avec toi, ces derniers jours. J’aurais du te laisser t’amuser, mais, au lieu de ça, je t’ai fait travailler. Je suis désolée, Anaëlle. »

Je souris et lui dis :

« Moi aussi, j’ai dû t’en faire baver un peu. Désolée! »

Elle éclate de rire puis me dit :

« Au fait, hier, on a trouvé dans ta main un joli collier. Tu veux le garder en souvenir de cette aventure ? »

Le collier est une chaîne, ornée d’une perle couleur nacre. Je souris. Louise. Je l’accroche autour de mon cou. Je ne suis pas prête d’oublier ces vacances…

 

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